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les ignorés

Une seconde passa ainsi, une seconde d’attente intense : elle passa brève comme l’éclair et Catherine se sentit libre. Jérôme tenait à la main la boîte vide et il la secouait stupéfait, tandis que d’une voix étranglée que Catherine n’avait jamais entendue, il répétait :

— L’argent n’y est plus !… l’argent n’y est plus !

— On t’a menti, balbutia Catherine éperdue. On a voulu me perdre auprès de toi. Celui qui a fait cela devait avoir un but. Il devait avoir un but !

En ce moment le chien, oublié dans un coin, se mit à gémir plaintivement, clameur effrayée d’une bête dépaysée, que son nouveau milieu inquiète.

Jérôme lui allongea un coup de pied brutal.

— Tais-toi.

L’animal poussa un cri bref, alla s’aplatir devant la porte et se mit à renifler bruyamment l’air froid qui passait sous le seuil. Jérôme reprit d’une voix pressante :

— Où est l’argent ?

Il restait la bouche entr’ouverte, découvrant les dents aiguës de son râtelier complet d’homme sain et vigoureux, les yeux fixés sur Catherine.

Catherine hésita. Nommer Jules dans ce moment, non, c’était impossible. Se pourrait-il que Jérôme ne la crût plus sans le secours d’une trahison ?

— Est-ce moi que tu accuserais d’avoir pris ton argent, demanda-t-elle enfin sourdement ? Moi, Catherine, je t’aurais volé, je t’aurais dépouillé ! Après ces quatre années passées ensemble, tu pourrais croire