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le garde-voie

cela… tu pourrais croire cela ?… Non, ce n’est pas possible.

Jérôme la saisit par le poignet et l’attira sous le rayon de la lanterne. Une vive lumière inonda les traits pâles, les grands yeux bleus cernés, la toison blonde et frisée. Non, il était impossible que cette femme-là fût mêlée à d’hypocrites machinations ! Un instant, la souffrance aiguë qui lui tenaillait le cœur disparut ; mais elle le reprit presque aussitôt comme une griffe de fer qui se soulève et se replante.

L’histoire inventée par Jules lui repassait tout entière dans l’esprit, insidieuse et perfide. Exaspéré, il avait mis fin d’un mot aux confidences empoisonnées de son fils et il était revenu en courant, sûr que la vue de Catherine dissiperait, comme à l’ordinaire, les mauvaises vapeurs de calomnie dont on venait de l’envelopper.

Mais, cette fois, ce n’était plus le fantôme fuyant et oublié du passé qu’on avait fait danser devant ses yeux. C’était un fait précis, si solidement appuyé de vraisemblance et de justes prévisions, qu’en voyant Catherine suivre à la lettre le programme tracé par Jules, un doute imprévu venait de naître dans l’esprit de Jérôme, un doute horrible autour duquel tous les petits faits de la journée se groupaient avec une écrasante précision de détails.

La pâleur extraordinaire de Catherine, le soin qu’elle avait pris de balayer la neige autour de la maison, de grand matin, son silence absolu au sujet de la dispari-