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les ignorés

temps étrangère au sanglot, sa poitrine se déchirait. Entre les sursauts de ses nerfs, il racontait tout haut sa peine, comme un enfant :

— Il m’avait bien dit que plutôt que de dire la vérité, tu l’accuserais, lui, lui, mon fils. Mais moi je l’ai fait taire d’un mot. Et voilà que tu l’accuses quand il n’y a plus d’autre moyen de me tromper, tu l’accuses comme il l’avait dit… Mais pourquoi me tromper ?… pourquoi me tromper ?

Longtemps, sans que Catherine sortît de son silence, il entrecoupa ses larmes de plaintes, de regrets, de reproches. Il pleurait la ruine de son bonheur, son passé détruit, son avenir empoisonné, tandis que la certitude de ne pas pouvoir se passer de la présence de Catherine se faisait peu à peu une place dans sa pensée, à côté de son désespoir. Pure de reproche ou souillée d’une faute, elle lui était aussi nécessaire que l’air qu’on respire. Il ne l’aimerait plus comme autrefois, mais elle continuerait à être à lui, elle lui appartiendrait même davantage depuis que, honteusement, dans les ténèbres, elle l’avait dépouillé de son bien.

Il découvrit tout à coup son visage désolé. Dans son œil noir une flamme mauvaise et inquiétante brillait. Il dit sourdement :

— Tu savais bien, que je ne pourrais pas vivre ici sans toi. C’est vrai, je ne peux pas.

Catherine, pâle et immobile, ne répondit pas un mot.