Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
149
le garde-voie

Jérôme poursuivit rapidement :

— Tu resteras ici et nous vivrons comme autrefois. Il n’y aura rien de changé. Seulement…

Il réfléchit quelques secondes sans trouver de terme correspondant à ce que serait cette nouvelle vie à côté d’une Catherine inconnue, d’une trompeuse, d’une voleuse, et brusquement le désespoir le reprit :

— Quand tu aurais pu d’un mot arranger les choses comme tu aurais voulu, me tromper ainsi ! Pourquoi as-tu fait cela, Catherine ?

— J’aurais dû te cacher jusqu’au bout toute la vérité, balbutia Catherine, voilà ce que j’aurais dû faire. J’ai eu tort de te dire la vérité, mais confesser une faute que je n’ai pas faite, je ne peux pas… Je resterai à côté de toi et nous vivrons la vie que tu voudras. Jamais je ne pourrai te rendre le bonheur de ces quatre dernières années. À quoi bon dire autre chose, tu ne me crois plus, d’un jour à l’autre tu ne me crois plus… Je resterai à côté de toi et tu feras de moi ce que tu voudras.

Les paroles de Catherine sonnaient claires comme de l’or. Jérôme hésita ; puis brusquement, il se dirigea vers la porte. Catherine le suivit pleine d’anxiété :

— Mais c’est la nuit… c’est la grande nuit qui vient. Où veux-tu aller si tard ?

Jérôme indiqua, par dessus son épaule, le côté de la campagne d’où il revenait à peine, et posant sur Catherine deux yeux fixes, ardents, il répondit :

— Je retourne là-bas.