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les ignorés

dait à la fatalité qui la condamnait à subir la peine méritée par un autre, mais son courage était mort et le chagrin la minait sourdement. Parfois, au milieu de ses courses vagabondes, elle voyait fuir le sol sous ses pieds et les nuages du ciel danser au-dessus de sa tête une ronde singulière. Elle s’asseyait alors un instant au bord du chemin et le chien, étonné, venait lui lécher les mains et la figure. Catherine caressait doucement le pelage touffu.

— Mon beau… mon beau…

L’attachement de cette bête était le seul réconfort qu’elle eût éprouvé depuis le commencement de son épreuve. Le chien ne la quittait jamais et souvent elle lui parlait tout haut de son chagrin. Tour à tour, comme Jérôme, cet animal savait être aimant ou cruel. Dans sa pensée Catherine les rapprochait inconsciemment. Elle prodiguait à l’un les paroles qu’elle n’osait plus dire à l’autre.

Jérôme ne s’occupait jamais du chien. Il ne le caressait ni ne le châtiait, il ne le regardait même pas. Il s’en allait les yeux baissés comme s’il craignait, en rencontrant le regard de Catherine, de faiblir dans sa résolution de silence.

Une fois dehors, quand le travail de son poste ne le réclamait pas, au lieu d’employer à la culture de son jardin ses heures de loisir comme autrefois, il allait s’enfoncer à quelque distance de sa maison dans un fourré d’arbrisseaux bas qui le cachait aux yeux de Catherine.