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les ignorés

coup, sur sa gauche, il aperçût une forme noire, la silhouette d’un homme qui se faufilait à travers les troncs en dehors de tout sentier. Enfin !

Il éprouva une véritable joie d’avoir vu un être vivant et tout doucement, tout doucement, il se dirigea de son côté. L’homme le précédait de quelques pas. Il l’apercevait souvent à présent comme une tache opaque et mouvante. C’était un grand gaillard aux épaules carrées qui allait droit devant lui la tête droite et nue. Il surveilla un moment avec attention les mouvements de cet inconnu, de ce fidèle compagnon, puis, tout à coup, bondissant jusqu’à lui, il le saisit par les épaules, le tint solidement entres ses doigts nerveux et cria :

— Ah ! ah ! cette fois, je te tiens !

Mais à peine eut-il aperçu le visage à la blanche lueur du brouillard qu’il lâcha prise en poussant une exclamation de surprise :

— Jean ?… C’est toi ?

Il ajouta mécontent :

— Qu’est-ce que tu fais dans la forêt et pourquoi est-ce que tu me suis comme un voleur sans te montrer ?

Les yeux intelligents de Jean s’attachèrent fixement au mouvement des lèvres, mais à mesure que le docteur parlait, une angoisse éteignait le regard ardent du jeune homme.

Le docteur se souvint brusquement de la réalité. De ses deux mains, il fit le cornet habituel et cria :