auquel Mlle Anna avait en vain, pendant ces trois mortelles journées, appliqué la plus scrupuleuse attention. Elle n’avait pas pu, en dépit de ses ardents efforts, saisir un fil quelconque, dans cette pensée incohérente et ce verbiage insensé lui faisait à l’âme un mal plus profond que tout le reste.
Elle se mit à songer aux choses mystérieuses qui flottent autour de la mort s’étonnant d’avoir vécu tant d’années sans entrevoir autrement que comme un rêve lointain et pénible, cette douloureuse nécessité humaine, ce fait éternel en face duquel les intérêts passagers et médiocres qui avaient absorbé ses heures semblaient aujourd’hui dérisoires. Le printemps même, qui faisait éclater les fleurs nouvelles, était, à côté de ce lit d’agonie, une cruelle dérision, une moqueuse illustration de l’aveugle évolution des choses se poursuivant autour d’êtres sans cesse changés, renouvelés, différents..
Et, comme pour lui faire sentir plus vivement l’opposition qui existait entre le monde extérieur et sa pensée, Mme Madre et sa fille venaient de s’installer sous le pommier. Par la fenêtre entr’ouverte on entendait des voix joyeuses s’élever au milieu de cette belle journée de printemps, sous ce chaud soleil qui transformait un travail monotone et suffocant en partie de plaisir. Justine, affairée, aidait au transport du nécessaire et le concierge avait quitté sa loge pour venir voir l’établissement des travailleuses sous le pommier.