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l’héritage de Mlle anna

que Justine entrouvrit doucement la porte. Mlle Anna lui fit signe d’approcher et elle lui dit très bas, pour ne pas éveiller le malade qui, depuis deux heures, dormait paisiblement :

— Cela va mieux.

La servante s’avança, courba sa grosse charpente massive et considéra longtemps le souffle du dormeur s’échapper avec un imperceptible pouh des lèvres molles et entr’ouvertes :

— C’est drôle, dit-elle en se redressant enfin, on dirait que même en dormant il cherche sa dent. Et elle s’en alla préoccupée. La pensée obstinée d’une robe noire qu’elle avait ajoutée à sa garde-robe d’été et qu’il en fallait soustraire, flottait autour de sa satisfaction et la gênait.

Elle se remémora soigneusement ce que Mme Madre et le concierge avaient dit la veille au sujet de la maladie de son maître, resta surprise et murmura :

— Ils seront bien étonnés.

Et incapable d’élucider davantage les contradictions qui tourmentaient son esprit, elle reprit la routine quotidienne sans plus penser à autre chose.

La matinée touchait à sa fin quand le malade s’éveilla. Tout de suite il chercha des yeux Mlle Anna, rencontra son regard ; sourit et dit :

— Je veux me lever.

Elle alla chercher dans l’armoire une grosse robe de chambre d’hiver et malgré le soleil déjà chaud elle en enveloppa le corps maigre et frissonnant.