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Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/227

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l’héritage de Mlle anna

— Dans deux heures au plus tard.

— J’ai le temps ; donnez-moi ce qu’il faut pour écrire.

Sans oser protester, elle obéit. Il pouvait avoir des soucis à elle inconnus, des dispositions à prendre, elle n’avait pas le droit d’entraver sa liberté. Elle alla s’asseoir à l’écart surveillant de loin la course lente de la plume sur le papier. Au bout d’une heure d’attention persévérante cinq lignes d’écriture serrée se voyaient sur la feuille blanche, mais le front du vieillard était livide. En ce moment un bruit de roues monta de la rue. Mlle Anna se leva vivement et, presque aussitôt, elle entendit dans l’escalier la voix de Mme Amélie.

Le frémissement intérieur que la proximité de cette femme lui causait toujours la saisit brusquement. Elle courut au vieillard et s’écria :

— Voilà Mme Amélie.

Il jeta loin de lui sa plume, repoussa le papier, se renversa en arrière épuisé, et tendit vers la porte qui s’ouvrait ses deux bras ouverts, paternels.

Mlle Anna disparut discrètement.

Une demi-heure plus tard, cependant, elle rentrait. Elle se savait nécessaire et elle revenait furtivement, avec la sensation d’être désormais confinée dans un rôle différent et décidée à occuper cette place effacée sans en souffrir. Et voyant, assise à côté du fauteuil, la masse noire et imposante de Mme Amélie, elle réveilla dans sa mémoire le souvenir de la svelte jeune