Aller au contenu

Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
les ignorés

fille d’autrefois et elle fit un violent effort pour identifier les deux images disparates.

Dardant sur la gouvernante son regard noir, aigu, Mme Amélie la salua poliment puis elle retourna s’asseoir à côté de son père et désignant la feuille de papier où les cinq petites lignes gisaient inachevées, tronquées, elle dit :

— Vous avez écrit ceci aujourd’hui ? Faible comme vous voilà !

En même temps elle glissa vers Mlle Anna un nouveau regard perçant qui semblait dire :

— J’ai vu, je sais.

Le vieillard retourna le papier d’un mouvement vif et répondit :

— Cela ne m’a pas fatigué.

Il ajouta après un court silence, comme s’il devinait entre ces deux femmes une mésintelligence sourde qui le gênait :

— Amélie, Mlle Anna a été une seconde fille pour moi.

— Aujourd’hui, dit Mme Amélie sans appuyer, c’est votre véritable fille qui vous soignera.

Il suivit des yeux Mlle Anna qui allait et venait dans la chambre et répondit :

— Toutes les deux, oui.

Puis voyant sa compagne ordinaire s’éloigner sans bruit il l’arrêta vivement d’un mot :

— Restez.

Mlle Anna s’assit près de la table et resta. L’oreille