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les ignorés

Elle se leva de grand matin, compulsa des chiffres jusqu’à midi et adressa vers la soirée une réponse au séminaire.

Quand la nuit fut tout à fait venue, elle ouvrit une fenêtre du côté de la campagne où l’œil des Charpon ne pouvait pas l’épier, et elle regarda dans le ciel scintiller les étoiles.

Elle se sentait apaisée. Il y avait dans son âme une plénitude douce, jusque-là inconnue, et toutes les voix de la nuit l’ensorcelaient. Son acte avait comme anéanti la distance qu’elle avait découverte naguère entre elle et Valentin. Elle avait épousé sans aucun effort sa susceptibilité paternelle. Elle n’y voyait plus d’élément offensant pour son chagrin d’autrefois, elle n’y voyait qu’une sollicitude naturelle pour un orphelin dépouillé de patrimoine, et n’ayant d’autre appui dans la vie que l’égoïsme féroce d’un parentage malveillant.

À la place où jadis avait fleuri toutes ses espérances, elle démêlait déjà, sous la moisson avortée et sèche du passé, un sourd travail de vie, l’éveil d’un sentiment nouveau, différent de l’ancien, mais qui allait s’en nourrir comme la plante d’aujourd’hui s’alimente de la pourriture des végétations passées.

Dans la nuit profonde où personne ne pouvait la voir, ni l’entendre, elle murmura :

— Ton fils sera mon fils.

En même temps sur sa peau de blonde froissée,