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les ignorés

En y réfléchissant mieux, elle s’était expliqué l’attitude de son fils adoptif. Michel traversait une époque sérieuse qui prenait toute son attention. Il ne voulait pas être distrait par des propos, bien intentionnés sans doute, mais qui cependant frisaient de près un commérage vide, mesquin et oiseux. Plus tard, quand il aurait franchi la dernière étape et aurait revêtu la soutane du prêtre, ce serait autre chose.

Elle avait tellement hâte de voir le fait accompli que le temps des vacances au lieu de s’envoler comme toujours sur les ailes du vent, lui paraissait ramper à quatre pattes à travers les heures.

Michel n’avait pas son allure ordinaire, ni son élasticité, ni son entrain. Le visage même avait changé. L’expression en était toujours inquiète ou absente, et de ses longues promenades dans la campagne, il ne rapportait ni l’appétit dévorant des anciens temps, ni les couleurs de la santé. Sous toutes les excitations extérieures, sa peau, rasée de frais tous les jours, gardait la pâleur mate du séminaire et au trouble évident qui le tourmentait, Suzanne ne voyait que ce remède qu’elle hâtait de tous ses vœux : une prompte et définitive admission dans la prêtrise. À l’abri dans ce port sûr, Michel, elle en avait la certitude, retrouverait le repos et la sécurité.

Un soir, en attendant le retour de son fils adoptif avant de fermer la maison pour la nuit, elle songeait vaguement à toutes ces choses sans aller ni très loin, ni très profond dans sa propre pensée, avec l’instinc-