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Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/57

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fausse route

— Est-ce que tu n’as rien à me dire ?

Il réfléchit, hésita, puis il dit :

— Oui, tante Suzanne… j’ai une prière à vous faire.

— Fais-la. Pourquoi ne la fais-tu pas tout de suite ?

Il sourit d’un sourire pâle et dit :

— C’est comme un testament !

Et il continua :

— Je voudrais être sûr, quand je ne serai plus ici, que vous veillez sur Angélique Charpon. Cette enfant se perdra si personne ne s’occupe d’elle.

— Autrefois, dit Suzanne, j’ai essayé plusieurs fois de te consulter à son sujet, mais tu ne voulais pas.

Il balbutia :

— Oui… je sais… je sais… Mais j’y ai pensé depuis. Il ne faut pas l’abandonner, ou elle sera la proie du mal.

Suzanne reprit :

— C’est tout ce que tu as à me dire.

Il se leva, marcha jusqu’à la fenêtre et s’y tint un moment immobile, les bras croisés sur sa poitrine, puis il revint lentement et murmura :

— Encore ceci. Avant de me rendre à la cure qui me sera désignée, je voudrais ne pas revenir ici. Je voudrais ne plus revenir ici, jamais.

— Pourtant, dit-elle, c’est ici qu’est la tombe de ton père.

Il ne répondit rien, pas un mot.

Elle reprit :

— C’est tout ce que tu as à me dire ?