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vivre à paris

glissé dans les relations des deux amies, avait agi comme dissolvant. Julie, d’ailleurs, n’avait jamais pu, malgré les explications plausibles de Micheline, excuser tout à fait la désertion de l’épouse et de la mère. Il lui en restait dans l’esprit un blâme d’autant plus solide que Micheline ne lui avait jamais permis de l’exprimer tout entier. Les deux amies ne se faisaient plus que de loin en loin leurs confidences, en ayant soin d’envelopper le récit de leurs expériences de sous-entendus expressifs pleins de mystérieuses possibilités.

Ce matin-là, pourtant, en voyant à la lumière grise du grand matin, la joue échauffée de Micheline et cette tache plus sombre à côté du nez, le cri de surprise de Julie sortit aussi spontanément de son bon cœur que de ses lèvres. Au milieu de l’affolante besogne de ses journées, elle n’avait pas eu l’occasion de regarder autrement qu’en courant le visage de Micheline ; c’était la première fois que cette joue malade, irritée par la piqûre d’aiguille, la frappait. Elle reprit :

— Mais qu’est-ce que c’est ?

D’une main nerveuse, Micheline avait caché sa joue sous son mouchoir et elle pesait sur la place sensible avec impatience. Elle répondit enfin d’un ton bref :

— Une stupide petite misère qui vient comme exprès se planter au beau milieu du visage. Est-ce que ça se voit beaucoup ?

— Mais, dit Julie, hésitant un peu, quand on te re-