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les ignorés

garde du côté droit. Du côté gauche on ne voit rien. Tu devrais mettre de la poudre.

Micheline courut à la glace. Folle qu’elle était, en vérité, elle avait oublié de se poudrer la joue ! La place malade, privée du léger duvet de neige, paraissait plus écarlate que jamais ; cependant, en la considérant attentivement de tout près, elle eut un petit soulagement. Au milieu de la tache, un point dur, une petite tête se montrait. Enfin, enfin, cela allait pousser, grandir et puis sécher ! Chargeant Julie de prévenir quelle s’était sentie indisposée et qu’elle resterait deux jours absente pour se remettre, elle se sauva.

Elle passa les deux journées qui suivirent la joue cachée sous une compresse adoucissante. Enfermée dans une réclusion absolue, touchant à peine aux provisions qu’elle s’était achetées, elle se promenait de long en large avec une sensation d’isolement, de vide, de froid qu’elle n’avait jamais connue.

Par la fenêtre ouverte, elle voyait fourmiller toute la cité fumeuse et triste des cheminées de Paris, tandis que, par la même ouverture, l’âcre odeur de la suie entrait à flots mêlée à l’air attiédi d’une fin d’avril pluvieuse.

Elle regrettait de n’avoir pas prié son amie de taire la nature de son indisposition où plus d’un, déjà, avait vu un thème à plaisanterie. Ce badinage l’avait blessée jusqu’au fond de l’âme, comme si, en dépit de ses efforts constants pour la déloger, une inquiétude, une