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vivre à paris

couches plus saines et plus profondes, elle aspirait à vivre avec une ardeur plus passionnée que jamais. Toute la nuit, tandis qu’autour d’elle se poursuivait la respiration du sommeil, entrecoupée, de ci, de là, de plaintes et de gémissements, elle resta, les yeux grands ouverts, seule en face de l’effroi de cet anéantissement possible qui l’avait prise à la gorge à l’improviste et l’étranglait.

Des bribes de prière retrouvées au fond de sa mémoire lui montaient aux lèvres et elle les marmottait tout bas, les reliant à son épreuve présente par des lambeaux d’invocation passionnée où l’ardeur suppliante s’alliait à une impatience pressante et presque impérieuse d’être entendue.

Pas une fois sa pensée ne se tourna vers la salle dorée où naguère son image passait et repassait dans les glaces. L’idée de la mort la séparait de ce temps si proche, et ce récent passé se trouvait relégué, perdu au fond d’immenses distances, tandis que les choses anciennes se rapprochaient et prenaient pour se mouvoir tout près d’elle des figures attirantes qu’elle ne leur avait jamais connues. Oh ! si seulement elle pouvait traverser, saine et sauve, cette horrible crise qu’elle avait acceptée sans bien la comprendre et que personne n’avait pris la peine de lui expliquer ! Si elle pouvait vivre et retourner là-bas où elle avait laissé la petite fille endormie au fond de sa couchette ! Tous les sacrifices, tous les efforts, toutes les humiliations lui semblaient un jeu auprès de cette angoisse de