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laissait pleurer sans chercher à l’apaiser. Ce qu’il aurait fallu dire pour la calmer, il ne pouvait pas l’arracher à ses lèvres rebelles… non… cela lui était impossible. Impuissant en face de ce chagrin violent, il restait muet.

Peu à peu les larmes de Germaine s’épuisèrent, elles se séchèrent d’elles-mêmes. Le souffle encore haletant, brisé, la jeune femme murmura :

— Quand nous sommes arrivés ici, vous me disiez que nous marcherions la main dans la main comme sur cette plaine où l’on va… où l’on va… Et à cause de ces paroles, j’aimais ce pays plat, aux étendues interminables. Pendant vos absences, je le regardais et son silence s’animait. Aujourd’hui je le trouve d’une tristesse à mourir. Pourquoi m’avoir trompée ainsi ? Vous m’accusez, moi. Mais c’est votre cœur, à vous, qui a changé !

Philippe resta longtemps silencieux. Rien ne vibrait dans son âme à l’appel douloureux, non, rien, et il cherchait en vain dans sa tête une des paroles rassurantes qui jaillissaient jadis sans effort de sa vivante passion. Enfin, il répéta lentement comme s’il se posait à lui-même la question inquiétante :

— C’est mon cœur qui a changé ?