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l’espace, tandis qu’une brise glacée chassait les nuages éteints, les roulait avec effort les uns sur les autres du côté du couchant.

Isabelle et Germaine se levèrent simultanément, et tous les trois ils s’en allèrent du côté de la mer. L’immense nappe mouvante, aux dessous glauques, commençait à se crever ici et là, lançant au vent des floraisons d’écume. Les trois promeneurs s’approchaient de l’eau sans parler.

De temps en temps, Philippe s’efforçait d’apercevoir le visage d’Isabelle, mais les bords du grand chapeau mou le lui dérobaient ; l’expression triste du fugitif sourire qu’il lui avait arraché tout à l’heure le poursuivait douloureusement.

Que de fois, pendant les six années qui venaient de s’écouler si lentes, si longues, il avait interrogé Jacques au sujet de cette tristesse tenace qu’aucune distraction ne tentait ! Toujours il avait reçu la même réponse laconique : « Elle n’a rien ». Quand, mécontent de ce diagnostic péremptoire qui ne diminuait en rien son inquiétude, il insistait, le docteur ajoutait quelquefois : « Aujourd’hui, on n’y peut plus rien, ni toi ni personne. Elle est comme ça parce qu’elle est comme ça ». De