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prie. Tous ses rêves de jeunesse entraînent Isabelle loin de moi. Elle n’a jamais vu en moi que l’ami de son père, avec lequel elle ne se gêne pas, justement parce qu’étant l’ami de son père il ne peut jamais être autre chose à ses yeux.

Il réfléchit une seconde, préoccupé. Pour la première fois depuis qu’il avait vu Isabelle se transformer lentement sous ses yeux, il eut la brusque impression que dans leur franche intimité Philippe avait perçu un élément que lui-même n’y avait jamais soupçonné. Une inquiétude le mordit aussitôt au cœur, une tristesse d’appréhension, une souffrance sourde où se confondaient le souvenir du passé et la crainte des jours à venir.

Il reprit avec effort :

— Elle n’a pas vingt ans et j’en ai trente-cinq. Ce serait la sacrifier au seuil de la vie. Est-ce cela que tu veux, dis ? D’ailleurs, qu’importe… c’est elle qui ne voudra pas.

Philippe s’arrêta brusquement et saisissant les deux mains de Jacques, il les serra, les secoua en murmurant d’une voix entrecoupée :

— Elle voudra… je te dis, moi, qu’elle voudra. Elle t’aime plus que tu ne crois… Elle voudra !…