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Jacques la considérait muet. Il l’encouragea enfin, affectueux :

— Il faut tout me dire aujourd’hui, Isabelle. Vous ne m’apprenez rien si ce n’est le ravage que ce malheureux événement a fait dans votre vie, et cela, il faut que je le sache clairement.

Elle reprit d’une voix basse :

— Oui, oui, je vous dirai tout…

« C’était pendant la convalescence de Lucien, et selon votre ordre, on l’avait transporté au jardin, en plein soleil. Le visage collé à la vitre, j’avais suivi avec anxiété les allées et venues de ce transport. C’était papa et Joseph qui portaient la chaise longue où Lucien était étendu. Enveloppé de châles et de couvertures, il avait l’air d’un mort. Son visage avait tellement changé que je ne le reconnaissais plus. Il avait tout à fait perdu l’aspect enfantin que je me rappelais. Enseveli sous tous ces plis d’étoffe, il me semblait aussi beaucoup plus grand. Stupide de surprise et de pitié, je le considérais ardemment, tandis que par la seconde fenêtre de la chambre, ouverte celle-là, j’entendais une voix faible répéter d’un ton las :

— Merci, merci… oui… très bien. Ce n’est pas nécessaire, non merci.

Comment faut-il expliquer cela ? Ces quel-