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Dans ces moments-là, fugitifs comme l’éclair, elle est mordue par le même regret que moi, mais cela ne dure pas. Ce regret même la conduit à d’autres pensées, qu’elle cache, mais que je devine, et alors toutes les deux nous nous taisons.

Ainsi le temps a passé lentement ; six longues années, jour après jour, se sont écoulées. Et maintenant, vous savez tout ce qui a rempli mes pensées pendant cet espace de vie ; je ne vous ai rien, rien caché. »

Le jeune homme murmura sourdement :

— Vous avez bien fait de tout me dire.

Après un court silence, il ajouta :

— Allons-nous en maintenant, Isabelle. Voici la nuit qui vient.

Ils longèrent un moment sans parler la marge sèche que la mer n’avait pas encore atteinte. Le même vent léger et égal soufflait, et les vagues roulantes qui venaient de très loin en s’amassant crevaient près du bord avec fracas. Jusqu’à l’horizon, la grande masse d’eau se soulevait, agitée, inquiète. Isabelle demanda enfin :

— Pourquoi ne dites-vous rien ?

— Je pense, je réfléchis. Je partirai demain. J’irai d’abord à Paris consulter son oncle. Ensuite, je verrai.