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crainte qui venait de la saisir. Parfois même, dans son cœur surpris, une brusque révolte éclatait qui la dressait, vis-à-vis de l’ami fidèle, de l’indispensable auxiliaire, du compagnon de vie qu’elle avait librement choisi, comme en face d’un ennemi. Pourtant elle l’aimait, elle l’aimait tendrement depuis des années, oh ! oui, elle l’aimait !…

La silhouette blanche de la maison se profila enfin sur le fond sévère des grands arbres.

Jacques cessa de retenir la jeune fille et, en la libérant, il dit, un peu froid :

— Quelle hâte, Isabelle ! Est-il possible que cette fête de village, ce vacarme assourdissant et stupide vous tente à ce point ?

Isabelle ralentit le pas. L’étrange angoisse qui lui étreignait le cœur sous l’ombre épaisse des grands arbres se dissipait de plus en plus à mesure qu’elle approchait de son chez-elle, comme si la vue du lourd bâtiment massif suffisait à la rassurer, à la protéger, à faire fuir bien loin une troupe de fantômes imaginaires. Elle dit, affectueuse :

— Puisque cela vous contrarie, nous n’irons pas ; ce n’était qu’une fantaisie passagère qui m’est venue en écoutant cette musique affolée ; mais je n’y tiens pas autrement, je n’y pense déjà plus.