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sement l’honorabilité de Philippe. Philippe avait été cruel, injuste, d’une dureté de cœur inexplicable mais il était incapable des menées intéressées que l’homme d’affaires rompu aux calculs d’argent lui prêtait si naturellement. Le jeune homme agité de sensations diverses écoutait sans mot dire l’artisan de sa destinée énumérer les vicissitudes de sa fortune matérielle sans faire une seule fois allusion à la pression exercée jadis sur un enfant sans appui. Sous sa moustache brune et fine, la lèvre mobile avait conservé l’ancien pli amer, et, au fond de l’œil noir, la tristesse des jours d’autrefois couvait toujours la même.

Dans les quelques entrevues que les deux hommes avaient eues depuis l’arrivée de Lucien, pas un mot n’avait évoqué les choses du passé. Le cliquetis des chiffres, la nomenclature des papiers, l’examen de la hausse et de la baisse avaient, en apparence, occupé toute leur attention, mais leur absorbant travail venait de prendre fin et, tandis que Philippe rassemblait les papiers épars, un silence embarrassé s’était établi. À la dérobée, avant de se séparer pour toujours, ils s’examinaient, et le drame des jours anciens reprenait vie peu à peu tel qu’il s’était joué jadis, lorsque l’orphelin