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menait son existence solitaire et désolée. L’horreur que Philippe avait éprouvée autrefois pour l’hôte inoffensif amené par Germaine dans la maison lui écrasait la poitrine d’un regret pesant, tardif et inutile.

— Avant de vous laisser partir, Lucien, dit-il enfin avec effort, je tiens à vous dire une chose qui atténuera, j’espère, la rancune que vous me gardez, je le crois, au sujet du passé.

Le jeune homme se leva vivement, et, les yeux fixés dehors sur ces lieux familiers où si souvent autrefois il avait erré avec Isabelle, il resta silencieux ; toutes ces réminiscences amères réveillées par les paroles inattendues de Philippe le tenaillaient de nouveau.

Philippe continua d’un ton bas :

— Vous n’avez pas été seul à souffrir. Pendant les six années qui viennent de s’écouler, le chagrin tenace d’Isabelle, son impuissance à oublier le tort qui vous avait été fait ont empoisonné ma vie. Ma fille m’était devenue si étrangère que moi, son père, j’hésitais à l’embrasser. Et, pendant ce temps, vous viviez sain et sauf avec ma lettre dans votre poche. Pourquoi n’avez-vous pas répondu à mon appel si pressant ?

Au dehors, on apercevait les arbres jaunis-