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gnait dès que la certitude de l’inévitable départ s’emparait de son esprit, mais, en revoyant Isabelle quelques jours auparavant, ses souvenirs si vivants pendant leur longue séparation avaient brusquement pâli. L’obstacle occulte qui, autrefois, avant leur libre réunion de quelques mois, les séparait comme une infranchissable muraille avait repris sa place. Au milieu de l’auréole de ses cheveux blonds, Isabelle lui avait fait l’effet d’une statue du passé, aussi froide et lointaine que si les longues pages de vie vécues loin l’un de l’autre reléguaient leur intimité dans l’oubli.

Et tout de suite une hâte l’avait saisi de fuir ce coin du monde, où ses seuls souvenirs doux se fanaient au contact de la réalité. Pour presser la liquidation de ses comptes, il était revenu tous les jours, mais Philippe semblait allonger à plaisir ses explications.

Le soir, lorsqu’après avoir erré toute la journée dans les chemins si souvent parcourus autrefois, Lucien se retrouvait seul dans une froide chambre d’hôtel, il éprouvait un désenchantement profond. La joie qu’il avait ressentie naguère à pouvoir enfin suivre librement ses goûts s’effaçait devant le relent des choses d’autrefois. Même chez Jacques, il avait