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un bruit confus arriva à ses oreilles. Il reconnaissait le timbre bas d’Isabelle et il saisissait aussi une autre voix plus basse et plus mâle. Quand il fut assez près pour distinguer les paroles, il s’arrêta. Un épais massif le cachait aux deux jeunes gens ; il se dissimula sans scrupule derrière l’arbuste vigoureux, au vert éternel. Rien ne l’instruirait mieux de l’état d’âme d’Isabelle que de l’entendre parler du passé tandis que son engagement avec lui la liait, l’enchaînait encore au présent. Ensuite il saurait mieux avec quel visage l’aborder. La compassion de Philippe l’exaspérait. Celle d’Isabelle lui ferait un mal beaucoup plus profond. Il était si sûr de lui que son acte n’avait rien de déloyal.

Lucien parlait avec animation :

— Non… vous n’étiez qu’une enfant à cette époque, une petite fille rieuse faite pour la joie. Il me semblait que moins vous entendriez parler du passé, plus vite vos impressions s’effaceraient. Jamais je ne me pardonnerai de vous avoir inquiétée.

— Inquiétée, murmura Isabelle, c’était autre chose que de l’inquiétude. C’était une obsession de tous les instants ! Chaque fois que je regardais mon père, il lisait la même question