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dans mes yeux : « Qu’en avez-vous fait ? Qu’en avez-vous fait ? » Et chaque fois que son regard se posait sur moi, j’y voyais aussi la même interrogation suppliante : « Tu n’oublieras donc jamais ? » Et toutes les heures qui passaient étaient hantées par le même désir : savoir ce que vous étiez devenu ! Comment n’avez-vous pas compris cela ?

— J’ai eu tort, murmura Lucien. J’avais le cœur si amer, Isabelle ; si j’avais écrit, ma rancune aurait éclaté malgré moi, et, à cause de vous, je ne voulais pas la trahir. Mais, vous avez raison. Après ce que vous aviez été pour moi, je n’aurais pas dû vous considérer comme une petite fille ordinaire, j’aurais dû vous traiter avec une pleine confiance. Jamais je n’ai accepté l’idée d’une carrière maritime ; tous les instincts que j’ai hérités de mon père se révoltaient à cette pensée ; non, jamais je n’ai envisagé la possibilité de lointains voyages. Seulement en vous quittant, mes projets étaient encore confus, incertains, et puis… je croyais ne plus jamais vous revoir et cela me brisait le cœur… Vous aviez été pour moi une alliée si fidèle, si courageuse, si…

— Nous étions des enfants dans ce temps-là, balbutia Isabelle, tandis qu’aujourd’hui…