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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

celine était si bonne, si dévouée, surtout depuis qu’il était seul à monter sur les planches ! Sa mère était morte, et, avec elle, les vieux soupçons endormis.

D’ailleurs, il poursuivait son idée mirobolante. Puisque sa compagne était poète, si parfaitement poète que chacun admirait ses vers, elle écrirait des pièces de théâtre. Elle les composerait avec son grand talent, il les jouerait avec son génie et avec son cœur. Il n’eut de cesse qu’elle mît debout un scénario, auquel il collabora. Quel enthousiasme ! « Ce sera plus beau que toutes les œuvres de Molière ! » s’écriait-il.

Marceline sentait bien qu’il s’illusionnait. Comment, faite uniquement pour laisser vibrer son âme au gré de la poésie, pourrait-elle jamais écrire une comédie, où il lui faudrait exprimer des sentiments qui lui seraient totalement étrangers ? Un tel effort lui répugnait. Elle s’en ouvrit à l’un des auteurs qu’elle avait interprétés jadis, à ce brave Jars, député et librettiste de Spontini. « Pour me consoler, lui disait-elle, je vais me cacher dans une élégie. » Et il ne fut plus question de ce mirifique projet, qui avait enchanté Prosper durant quelques mois.

La littérature ne cessait pas de les hanter pour cela. Ils fréquentaient, dans les salons de Bordeaux, Garat, Jacques Arago, Alfred de Vigny lui-même, et ils publiaient leurs vers dans les journaux et revues de la ville :