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LE MARI TROMPÉ

Il fallait, en effet, une véritable intimité pour pénétrer et surtout pour villégiaturer dans cette maisonnette carrée, à deux étages certes, mais qui ne comprenait, en somme, que deux grandes pièces, l’une au rez-de-chaussée, l’autre au-dessus. Un escalier extérieur, drapé de lierre, conduisait dans un grenier.

— Je ne dirai pas que c’est là qu’il faut vivre, aimait à répéter Latouche. Il ne faut vivre nulle part ; mais c’est là qu’il faut mourir.

Quand Marceline et ses enfants arrivaient, l’atmosphère changeait. Ce pavillon isolé, qui, aux jours de la Terreur, avait servi d’asile à André Chénier et à Condorcet, paraissait tout de suite moins lugubre. Des rires, des chansons, des pincements de guitare, montaient sous les grands arbres du jardin, dont les frondaisons dérobaient presque l’ermitage. Puis l’on partait en promenade, et par les échappées des futaies, se découvrait un multiple et merveilleux paysage : aux premiers plans, Châtillon, Fontenay, Le Plessis, Sceaux, Antony ; plus loin, au midi, Monthléry et sa tour, droite sur l’horizon ; à l’ouest, les vallées de Bièvre et de Chevreuse, les prés de Jouy ; derrière les châtaigneraies, on devinait Meudon, Versailles, les ruines de Port-Royal des Champs… Ah ! si exiguë que fût la demeure de l’aimable M. de Latouche, elle ne ressemblait en rien aux affreux logis de Lyon ! Quelle consolation pour Valmore de songer aux