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LE ROMAN CONJUGAL DE M. VALMORE

accepté de dîner chez Mme G…, de Charleston, en compagnie de Lamennais et de Papineau, du Canada. Comme il se plaignait de son mauvais état de santé, la maîtresse de maison lui dit :

— Que parlez-vous de maladie ? Vous n’avez jamais eu vingt ans comme aujourd’hui.

— Hélas ! Madame, répondit-il avec amertume, je perds un à un tous mes péchés mortels.

Quelques instants à peine après cette boutade, il s’affaissait sur sa chaise. Il venait d’être frappé de congestion cérébrale, chose qu’il redoutait par-dessus tout depuis plus d’un an. Le 1er juin précédent, en effet, à la suite d’un accident demeuré inaperçu, il avait commencé à éprouver certains troubles de la parole, qui faisaient présager une paralysie de la langue.

Cette crise eut un résultat tout à fait inattendu : elle le rapprocha de sa femme, qu’il avait délaissée depuis trente-cinq ans environ. Il vint à Paris prendre un appartement dans la maison qu’elle habitait rue Notre-Dame-de-Lorette, mais à l’étage supérieur.

Avait-il caressé l’espoir, dicté par son égoïsme habituel, qu’elle accepterait de le soigner ? L’événement démontra qu’il avait calculé juste. En effet, cette excellente personne accueillit avec beaucoup de bonté ce mari tellement prodigue. Elle alla le voir, s’apitoya sur son état, sans lui adresser le moindre