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DERNIERS EFFORTS

table et indigente de Pauline Duchambge, qui survint en 1858, ainsi que celle de la Bigottini, qu’ils avaient connue au théâtre. Ces derniers chagrins d’amitié lui furent ainsi épargnés.

Enfin, le 23 juillet 1859, à une heure du matin, elle cessa d’agoniser. Par une bizarre coïncidence, on avait joué, ce soir-là, au Théâtre-Français, Le Philinte de Molière, de Fabre d’Églantine, son premier succès, et une autre actrice, qu’elle ne connaissait pas, avait susurré ces vers médiocres, qu’elle soupirait si naturellement jadis :

Quelle triste prudence,
De vouloir s’isoler, de se lier les mains,
Et d’étouffer son cœur au milieu des humains !

Ah ! certes, elle n’avait jamais eu cette prudence-là, elle n’aurait pu l’avoir, même si elle avait voulu s’y condamner. Qu’avait-elle fait d’autre que répandre son cœur, depuis les jours si lointains déjà où, à la suite d’une mère extravagante, elle commença de courir le monde et de s’abandonner à sa destinée ? Sa lyre avait vibré pour toutes les amours ; elle venait de se briser. Nul ne sembla y prêter attention. Même dans les milieux purement littéraires, d’autres événements se révélaient de plus d’importance… Il faudrait attendre de longues années avant que des poètes, d’une inspiration plus souple, d’une compréhension plus profonde, vinssent éveiller la