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Page:Premare - Lettre inédite du P. Premare sur le monotheisme des Chinois, edition Pauthier, 1861.djvu/6

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LETTRE
SUR LE MONOTHÉISME DES CHINOIS.


Une fausse idée sur la Divinité ne forme pas l’athéisme. L’athéisme consiste à nier qu’il y ait une intelligence souveraine qui ait par sa puissance produit le monde et le gouverne par sa sagesse.
Prémare.


Monsieur,

Il faut être aussi bien intentionné que vous pour conclure du peu que vous avez lu dans ma Dissertation[1] que l’athéisme chinois n’est qu’une chimère. Vous voulez être mieux instruit sur un point de cette importance, et moi, je croirais offenser Dieu si je ne répondais pas à un désir si louable.

Je sais que le Saint-Siège a défendu aux missionnaires d’appeler Dieu Thien, ou 上帝 Chang-ti[2], quand ils parlent aux Chinois ; mais il ne s’agit point ici d’annoncer l’Évangile aux Lettrés de Chine. J’écris confidemment à un ami pour satisfaire l’impatience qu’il a de savoir si les Chinois sont athées, comme on le dit en France. Il me semble que c’est un cas tout différent ; et je ne croirai jamais que l’Église puisse trouver mauvais qu’on arrache aux libertins d’Europe le plus grand prétexte qu’ils puissent avoir pour autoriser leur crédulité et leurs débauches, qui est que l’athéisme n’est donc point un monstre

  1. Ceci fait supposer une dissertation antérieure que nous ne connaissons pas.
  2. Dans le manuscrit autographe du P. Prémare, conservé à la Bibliothèque Impériale de Paris, tous les passages chinois qu’il cite comme preuve à l’appui de ses assertions, sont donnés en chinois. Dans l’impossibilité de les imprimer ici intégralement, nous nous sommes borné à reproduire ceux qui nous ont paru le plus important, et qui ont été le sujet de nombreuses controverses, tant autrefois parmi les missionnaires catholiques, qu’aujourd’hui parmi les missionnaires protestants. Nous y avons ajouté une transcription en lettres latines, et un mot à mot latin, pour mettre à même le lecteur de juger par lui-même de l’exactitude des citations. Nous nous sommes permis d’émettre quelquefois une opinion différente de celle du savant missionnaire ; mais c’est toujours avec réserve et avec la déférence que nous ont inspirée son caractère et son grand savoir en chinois. (G. Pauthier.)