Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/16

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XX.


Les Toscans batailloyent donnant droit dedans Rome
Les armes à la main, la fureur sur le front,
Quand on veit un Horace avancé sur le pont,
Et d’un coup arrester tant d’hommes par un homme.

Apres un long combat & brave qu’on renomme
Vaincu non de valeur, mais d’un grand nombre il rompt
De sa main le passage & s’eslance d’un bond
Dans le Tybre, se sauve, et sauve tout en somme,

Mon amour n’est pas moindre, et quoy qu’il soit surpris
De la foule d’ennuis qui troublent mes esprits,
Il fait ferme & se bat avec tant de constance

Que pres des coups il est esloingné de danger,
Et s’il se doit enfin dans ses larmes plonger,
Le dernier desespoir sera son esperance.


XXI.


Non je ne cache point une flamme si belle,
Je veux je veux avoir tout le monde à tesmoin,
Et ceux qui sont plus prez, & ceux qui sont plus loin
Dites, est-il au monde un amant plus fidelle ?

Ces secretes humeurs qu'hipocrites j'appelle
Blasment secretement à l'oreille en un coin
La peine que je prens d'en prendre tant de soin,
Tandis que chacun d'eux ces propres sens recelle,

Ainsi nous differons, que leurs cœurs sont couverts
Et que le mien fait voir ses mouvemens ouverts :
Ils ont raison, leurs sens sont bien dignes de honte :

Mais je ne puis rougir d'aimer si dignement,
Et plus mon bel amour tous leurs amours surmonte :
Il me le faut encore aymer plus constamment.