Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/27

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Vous n'entrebatez plus de souspirs vostre flanc,
Vos arteres d'esprits, ni vos veines de sang :
En quoy, la mort vous tient ? & ce front teint en cendre
Vous marque les tombeaux où vous allez descendre ?
Si vous pouviez encor revoir dedans les cieux
Ce feu, qui s'est caché des pointes de vos yeux
Vous vivriez dites-vous, mais la clarté ravie
Ravit en mesme temps l'esclair de votre vie.
Vous ne sçauriez passer vos jours parmi les nuits,
Ny faire beau visage en ces affreux ennuis,
Ce contraire est trop grand vivre auprès de ma Belle
Et n'approcher la mort quand on s'esloigne d'elle.
Il faut donques mourir & par necessité
Qu'à la fin vostre Hyver succede à vostre Esté.

Papillons bien aimez, nourrissons de mon ame,
Puisque votre origine est prise de ma flame
Et que ma flame garde encore son ardeur
D'où vous vient d'où vous vient cette prompte froideur ?
Ce beau feu dont j'avois votre vie allumee
Me l'avez-vous changé si soudain en fumee ?
Vous me laissez, ingrats, & la desloyauté
Récompense l'amour que je vous ay porté.

Est-ce que vous craignez que votre tendre veu
Se rebouche si bien contre la pointe aiguë
Des rayons du Soleil, qu'à l'espreuve du jour
On ne vous juge point de vrais enfans d'Amour ?
Et que ces beaux esprits dont on fait tant de compte,
S'ils vous ont descouvers ne vous couvrent de honte ?
Craindriez-vous point qu'encor votre deformité
Ne despleust d'aventure aux yeux de la beauté
Pour qui vous travaillez, & par trop de coustume,
Qu'on sente vos douceurs changer en amertume ?

Helas ! ne mourez point & servez pour le moins
A ma fidelité de fideles tesmoins,