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Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/41

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STANCES DE LA MORT,
FAITES PAR LE MESME
sieur de Sponde.


Mes yeux, ne lancez plus vostre pointe esblouye
Sur les brillans rayons de la flammeuse vie,
Sillez-vous, couvrez-vous de tenebres, mes yeux :
Non pas pour estouffer vos vigueurs coustumieres,
Car je vous feray voir de plus vives lumieres,
Mais sortant de la nuit vous n’en verrez que mieux.

Je m’ennuye de vivre, & mes tendres annees,
Gemissant sous le faix de bien peu de journees,
Me trouvent au milieu de ma course cassé :
Si n’est-ce pas du tout par défaut de courage,
Mais je prends comme un port à la fin de l’orage,
Desdain de l’avenir pour l’horreur du passé.

J’ai veu comme le Monde embrasse ses delices,
Et je n’embrasse rien au Monde que supplices,
Ses gays Printemps me sont de funestes Hyvers,
Le gracieux Zephir de son repos me semble
Un Aquilon de peine, il s’asseure & je tremble,
O que nous avons donc de desseins bien divers

Ce Monde, qui croupit ainsi dedans soi-mesme,
N’esloigne point jamais son cœur de ce qu’il aime,
Et ne peut rien aimer que sa difformité.
Mon esprit au contraire hors du Monde m’emporte,
Et me fait approcher des Cieux en telle sorte,
Que j’en fais desormais l’amour à leur beauté.