Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

VII.


Tandis que dedans l’air un autre air je respire,
Et qu’à l’envy du feu j’allume mon desir,
Que j’enfle contre l’eau les eaux de mon plaisir,
Et que me colle à Terre un importun martyre,

Cest air tousjours m’anime, et le desir m’attire,
Je recerche à monceaux les plaisirs à choisir,
Mon martyre eslevé me vient encor saisir,
Et de tous mes travaux le dernier est le pire.

A la fin je me trouve en un estrange esmoy,
Car ces divers effets ne sont que contre moy :
C’est mourir que de vivre en ceste peine extresme.

Voila comme la vie à l’abandon s’espard :
Chasque part de ce Monde en emporte sa part,
Et la moindre à la fin est celle de nous mesme.

VIII.


Voulez-vous voir ce trait qui si roide s’élance
Dedans l’air qu’il poursuit au partir de la main ?
Il monte, il monte, il perd mais hélas ! tout soudain
Il retombe, il retombe, & perd sa violence.
 
C’est le train de nos jours, c’est ceste outrecuidance
Que ces monstres de Terre allaitent de leur sein,
Qui baise ores des monts le sommet plus hautain,
Ores sur les rochers de ces vallons s’offense.
 
Voire ce sont nos jours : quand tu seras monté
À ce poinct de hauteur, à ce poinct arresté,
Qui ne se peut forcer, il te faudra descendre.
 
Le trait est empenné, l’air qu’il va poursuyvant
C’est le champ de l’orage, hé ! commence d’apprendre,
Que ta vie est de Plume, et le monde de Vent.