Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/51

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XI.


Et quel bien de la Mort ? où la vermine ronge
Tous ces nerfs, tous ces os, où l’Ame se depart,
De ceste orde charongne, et se tient à l’escart,
Et laisse un souvenir de nous comme d’un songe ?

Ce corps, qui dans la vie en ses grandeurs se plonge,
Si soudain dans la mort estouffera sa part,
Et sera ce beau Nom, qui tant partout s’espard,
Borné de vanité, couronné de mensonge.

A quoy ceste Ame helas ! et ce corps desunis,
Du commerce du monde hors du monde bannis ?
A quoy ces nœuds si beaux que le Trespas deslie ?

Pour vivre au Ciel il faut mourir plustost icy :
Ce n’en est pas pourtant le sentier racourcy,
Mais quoy ? nous n’avons plus ny d’Henoc, ny d’Elie.

XII.


Tout s’enfle contre moy, tout m’assaut, tout me tente,
Et le Monde, et la Chair, et l’Ange révolté,
Dont l’onde, dont l’effort, dont le charme inventé
Et m’abisme, Seigneur, et m’esbranle, et m’enchante.

Quelle nef, quel appuy, quelle oreille dormante,
Sans peril, sans tomber, et sans estre enchanté,
Me donras-tu ton Temple où vit ta Saincteté,
Ton invincible main, & ta voix si constante ?

Et quoy ? Mon Dieu, je sens combattre maintesfois
Encor avec ton Temple, & ta main, & ta voix,
Cest Ange revolté, ceste chair, & ce Monde.

Mais ton Temple pourtant, ta main, ta voix sera
La nef, l’appuy, l’oreille, où ce charme perdra,
Où mourra cest effort, où se perdra ceste onde.