Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/7

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II.


Quand je voy les efforts de ce Grand Alexandre,
D’un Cesar dont le sein comblé de passions
Embraze tout de feu de ces ambitions,
Et n’en laisse apres soy memoire qu’en la cendre.

Quand je voy que leur gloire est seulement de rendre,
Apres l’orage enflé de tant d’afflictions,
Calmes dessous leurs loix toutes les nations
Qui voyent le Soleil et monter et descendre :

Encor que j’ay dequoy m’engueillir comme eux,
Que mes lauriers ne soyent de leurs lauriers honteux,
Je les condamne tous & ne les puis deffendre :

Ma belle c’est vers toy que tournent mes espris,
Ces tirans-la faisoyent leur triomphe de prendre,
Et je triompheroy de ce que tu m’as pris.


III.


Qui seroit dans les Cieux, & baisseroit sa veuë
Sur le large pourpris de ce sec element,
Il ne croiroit de tout, rien qu’un poinct seulement
Un poinct encor caché du voile d’une nuë :

Mais s’il contemple apres ceste courtine bluë,
Ce cercle de cristal, ce doré firmament,
Il juge que son tour est grand infiniment,
Et que ceste grandeur nous est toute incognuë.

Ainsi de ce grand ciel, où l’amour m’a guidé
De ce grand ciel d’Amour où mon œil est bandé
Si je relasche un peu la pointe aigue au reste,

Au reste des amours, je vois sous une nuict
Du monde d’Epicure en atomes reduit,
Leur amour tout de terre, & le mien tout celeste.