Page:Premier recueil de diverses poésies tant du feu sieur de Sponde que des sieurs Du Perron, de Bertaud, de Porchères et autres, non encor imprimées, recueillies par Raphaël Du Petit Val, 1604.djvu/9

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VI.


Mon Dieu, que je voudrois que ma main fust oisive,
Que ma bouche et mes yeux reprissent leur devoir
Escrire est peu : c’est plus de parler & de voir
De ces deux œuvres l’une est morte & l’autre vive.

Quelque beau trait d’amour que nostre main escrive,
Ce sont tesmoins muets qui n’ont pas le pouvoir
Ni le semblable poix, que l’œil pourroit avoir
Et de nos vives voix la vertu plus naïve.

Mais quoy : n’estoyent encor ces foibles estançons
Et ces fruits mi rongez dont nous le nourrissons
L’Amour mourroit de faim et cherroit en ruine :

Escrivons attendant de plus fermes plaisirs,
Et si le temps domine encor sur nos desirs,
Faisons que sur le temps la constance domine.


VII.


Si j’avois comme vous mignardes colombelles
Des plumages si beaux sur mon corps attachez,
On auroit beau tenir mes esprits empeschez
De l’indomptable fer de cent chaines nouvelles :

Sur les aisles du vent je guiderois mes aisles
J’irois jusqu’au sejour où mes biens sont cachez,
Ainsi voyant de moy ces ennuis arrachez
Je ne sentirois plus ces absences cruelles,

Colombelles helas ! que j’ay bien souhaité
Que mon corps vous semblast autant d’agilité
Que mon ame d’amour à vostre ame ressemble :

Mais quoy, je le souhaite, & me trompe d’autant,
Ferois-je bien voller un amour si constant
D’un monde tout rempli de vos aisles ensemble ?