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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/10

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notes d’un condamné politique.

la foi, toute l’abnégation, toute la joie même qu’on peut mettre dans une œuvre de sincère dévouement… Une chose, cependant, jetait un voile de tristesse sur mon enthousiasme, c’était l’opposition du clergé à notre entreprise et, sans cela, je ne publierais peut-être pas aujourd’hui ces lignes, car je serais probablement mort les armes à la main avec beaucoup d’autres, qui pensaient comme moi sans le dire.

J’habitais à cette époque la paroisse de Saint-Timothée, où j’étais établi depuis peu comme négociant. Avertis par la rumeur secrète, plutôt que de toute autre manière, les amis du mouvement, ou, pour me servir du mot en usage alors que j’adopterai, les patriotes se réunissaient de temps à autre pour conférer des armements et autres arrangements nécessaires à une levée de boucliers. Il en était ainsi du moins dans ma paroisse et dans les paroisses voisines.

Personne de nous n’avait d’idées exactes sur ce qui se faisait ailleurs, non plus que sur ce qu’il y avait à entreprendre pour notre propre compte : les uns poussés par un dévouement plus généreux qu’éclairé, soutenus par ces convictions irréfléchies qui entraînent sans qu’ensuite on puisse s’en rendre compte, déployaient une activité fiévreuse ; tandis que d’autres, entraînés par l’exemple, promettaient leur concours qu’ils auraient plutôt refusé, n’eût été la crainte de passer pour bureaucrates. Un très petit nombre parmi les canadiens-français osaient blâmer directement le mouvement ; beaucoup s’abstenaient,