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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/131

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

nant, quand on songe que nous avions affaire à des fonctionnaires, chargés de faire sans cesse la même besogne, et pour qui nous n’étions que des forçats, dont la culpabilité était augmentée de tout le grossissement qu’y apportaient les préjugés les plus aveugles et les plus enracinés de race et de secte.

Le lendemain, vers dix heures du matin, deux autres employés de l’administration pénale vinrent nous faire subir une seconde inspection. On prit, cette fois, notre signalement, en détaillant chaque particularité de notre personne ; ces messieurs allèrent jusqu’à nous faire ouvrir la bouche pour nous examiner les dents, mettant dans ce procédé à peu près les mêmes cérémonies et la même gentillesse qu’un maquignon en met à constater l’âge d’un cheval qu’il veut acheter.

À la suite de cette seconde et très-agréable inspection, on nous reconduisit encore dans notre taudis, où nous nous creusâmes le cerveau pour deviner ce qu’on entendait faire de nous, à la suite de tous ces procédés et de ce séjour prolongé dans notre prison flottante. Tout cela nous confirmait dans l’idée que nous allions être envoyés à l’Enfer, dont nous avait parlé Monseigneur de Sydney.

Ce prolongement de séjour à bord de la frégate était pour nous un grand désappointement, en même temps qu’une torture morale, résultant de l’incertitude dans laquelle nous étions sur le lieu de notre destination. Aux souffrances physiques que nous continuions à endurer