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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/139

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

pour regagner le logis ; où nous ne devions trouver ni souper, parce que nous avions mangé à midi toute la pitance accordée pour toute la journée moins quelques morceaux de viande que nous ne pouvions toucher, ni lit pour nous coucher.

D’après l’ordre récemment reçu, on ne devait rien nous donner, en fait de couvertures, de hardes et de chaussures qu’au premier de mai. Nous étions suffisamment munis de hardes ; mais nos chaussures furent bientôt hors de service : les cinq mois et demi d’usure pendant notre passage à travers l’Atlantique et le Pacifique étaient déjà quelque chose, l’usage auquel elles étaient soumises sur les cailloux et les rocailles de la carrière de Long-Bottom en eut bientôt presque tout à fait raison.

Pour ma part, ayant à marcher constamment sur les pierres concassées, je me vis bientôt presque pieds nus, ce dont j’eus à souffrir beaucoup, comme il est facile de l’imaginer, surtout dans les premiers jours : souvent le sang sortit des plaies et des ampoules dont mes pauvres pieds étaient couverts.

La monotonie des occupations d’un prisonnier ne prête pas aux récits ; aussi la description que je viens de faire de nos occupations et de nos misères d’un jour peut-elle convenir à toutes les journées qui s’écoulèrent depuis notre arrivée à l’établissement de Long-Bottom jusqu’au jour où il nous fut permis de le quitter, sauf la va-