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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/174

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

Je me mis donc à chercher mieux ; mais les choses n’étaient point changées dans la colonie, et il me fut impossible de rien obtenir.

Je voyais de temps en temps quelques-uns de mes compagnons d’exil qui travaillaient dans Sydney ou dans les environs. Un jour que je rencontrai mon ami, M. Bourdon, il me dit que les confiseurs, chez qui je l’avais laissé, avaient fermé boutique, et que, depuis, il avait cherché partout de l’emploi, sans pouvoir y réussir. Il ajouta que le seul moyen qu’il imaginait de pouvoir échapper à une complète misère était de rejoindre dix de nos compatriotes qui s’en étaient allés entreprendre, sur une terre en forêt appartenant à un militaire en retraite, une exploitation de bois. Il était décidé à partir de suite pour le chantier canadien, et il me sollicita de le suivre, en me représentant que c’était presque la liberté pour nous, et qu’ainsi réunis ce serait une image de la patrie absente.

Cette proposition avait certainement son côté séduisant, j’acceptai. Après avoir pris congé de mon propriétaire, que je remerciai avec effusion de ses bons procédés, je m’occupai avec mon compagnon, M. Bourdon, à faire, au moyen de nos petites ressources, l’achat des outils qui nous étaient nécessaires et de provisions pour une semaine. Ceci fait, nous prîmes, le sac sur le dos et le bâton à la main, le chemin du chantier canadien, à travers un bois qu’on nous avait dit rempli de serpents et d’énormes lézards, nommés dans le pays goanos.