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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/187

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notes d’un condamné politique.

terre, autour du tas, de toutes les feuilles et de tous les branchages secs, un grand espace circulaire. Dès que j’eus débarrassé ce cercle de tout ce qui pouvait donner prise à l’incendie, je me préparai à mettre le feu aux amas de feuilles et de branches accumulés par moi tout à l’entour de mon cordon sanitaire. Je ne voulais mettre le feu qu’au moment d’être atteint par la conflagration générale de la forêt, afin de ne pas risquer de faire inutilement deux incendies au lieu d’un. Je n’attendis pas longtemps : d’abord un bruit sourd, puis une fumée épaisse m’annoncèrent l’approche de l’élément destructeur. Au moment où les premières lueurs se montrèrent à moi à travers les interstices de la forêt, je mis le feu à plusieurs points de mes amas de feuilles sèches. En un instant, je fus environné de flammes qui couraient dans toutes les directions, mais en s’éloignant de moi. Ce feu, allumé de mes mains, détruisit autour de mes lattes et de ma personne, en peu d’instants, tout ce qui pouvait donner prise à l’incendie qui s’avançait. Je demeurai appuyé sur mon tas de lattes, d’où je vis passer, dans toute sa majesté, ce personnage qui a nom le feu dans les bois.

Il fallait voir les flammes fureter tous les coins de la forêt, pour dévorer tout ce qui s’y rencontrait de feuilles séchées par le soleil et de petits débris de bois mort. Le feu s’éloigna aussi vite que nous l’avions vu s’approcher. Quand il fut passé, je regagnai la cabane, où,