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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/214

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

de près par tous les passagers, qui se précipitèrent en désordre sur le pont, en demandant avec angoisse : — Avons-nous touché ? Est-ce une collision ? Est-ce que nous allons périr ?

Tout était désordre sur le navire, et nous trouvâmes l’équipage, dans la terreur, en train de mettre les chaloupes à la mer. Plus de doute, c’est un sinistre, dont personne ne connaît ni ne peut apercevoir la cause. La plupart des passagers s’emparaient déjà des chaloupes, et on allait avoir à déplorer de terribles noyades, lorsque le capitaine parvint à obtenir l’attention de ces malheureux fous de peur. Il leur expliqua alors que la cause de ces manœuvres était la chute dans la mer d’un pauvre matelot. Il pria tout le monde de vouloir se retirer en arrière, pour permettre à l’équipage de manœuvrer à l’aise et d’exécuter, sans encombre, les dangereuses opérations du sauvetage, au sein d’une mer houleuse soulevée par un gros vent d’orage.

Penché sur le bastingage du navire, je pus voir le malheureux matelot lutter avec la mer ; pendant environ dix minutes, je le vis paraître et disparaître tour à tour ; tantôt il apparaissait sur la crête d’une vague et tantôt il semblait avoir été enseveli sous le repli d’une lame. C’était un spectacle à navrer le cœur.

Une chaloupe fut mise à la mer, conduite par cinq marins, elle se dirigea vers le malheureux, en ce moment, le jouet des vagues. Comme nous suivions avec anxiété les mouvements de