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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/224

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NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

présenta fut la mort d’un petit enfant appartenant à une famille d’émigrés très respectable. La douleur de ces compagnons de passage excita les sympathies de tout le monde à bord. C’est si triste la mort, et la sépulture qui la suit, sur mer !

Le 2 septembre, à sept heures du matin, oh ! je m’en souviens comme si c’était aujourd’hui, nous aperçûmes, en montant sur le pont, les côtes du district de Gaspé.

La patrie ! Après plus de sept ans d’exil, quelle émotion ! C’était quelque chose de si doux, de si enivrant, que je me prenais à me dire à moi-même : — Après tout, de pareilles jouissances ne sont pas trop cher achetées ! Si l’on ressent tant de joie à revenir dans la patrie terrestre, quelles ne seront donc pas les joies de ceux qui, après avoir mérité sur la terre, seront admis aux douceurs de la patrie céleste ?

Et je rêvais ainsi, contemplant à m’en fatiguer et le ciel et les eaux et les terres de mon pays. Ma joie paraissait telle à tous mes compagnons de voyage qu’ils en étaient émerveillés. Un passager, ancien major de l’armée anglaise, jouissait tellement de mon bonheur dans son bon cœur, qu’il m’invita à descendre dans la cabine où il avait, avec le capitaine, organisé une petite fête. On but à ma santé, au Canada tant aimé de ses enfants, et on me félicita de mon retour au foyer de mes ancêtres.

Ces émotions, si vives et si profondes, produisirent sur moi un effet singulier, que rien auparavant dans ma vie, si accidentée pendant les