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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/36

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notes d’un condamné politique.

ombre venant de l’autre monde, il demeura quelques moments sans pouvoir articuler une parole, puis revenu à lui :

— Comment, c’est vous, dit-il, on vous cherche partout, on a brûlé vos propriétés, et M. Brown a mis votre tête à prix !…

Je recommandai le silence à mon interlocuteur, le priant de bien vouloir dire à son maître, mais à lui seul, que j’étais sur ses terres et de m’apporter quelque chose à manger. Le brave homme revint bientôt me dire que son maître n’était pas en ce moment à la maison, et me remit une abondante provision de pain et de lait.

Le lendemain matin le propriétaire vint à moi, me donna des renseignements, et me dit que ma présence était pour lui et sa famille d’un danger extrême. Je le priai de me souffrir dans sa grange, jusqu’à ce que je pusse voir trois amis que je lui nommai, en le priant de vouloir bien les avertir et de ménager entre nous un rendez-vous, dans un endroit écarté mais voisin de celui où j’étais.

Au coucher du soleil, le propriétaire revint et m’annonça que les personnes que je voulais voir se trouveraient, à un endroit qu’il m’indiqua, sur les neuf heures du soir. En effet je trouvai mes trois amis à l’heure et à l’endroit indiqués.

Ils me déclarèrent que mon projet était impraticable, qu’il n’y avait pas moyen de remonter l’eau dans cette saison, que le fleuve et le lac étaient en partie couverts de glaçons ; mais l’un d’eux, M. Héneault, jeune homme comme moi,