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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/37

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notes d’un condamné politique.

qui vivait avec sa respectable mère, m’offrit l’hospitalité dans sa maison pour y rétablir mes forces et ma santé déjà fort altérée, et y attendre l’occasion favorable de traverser le fleuve au côté nord, où je pouvais être plus en sûreté.

Je n’ai cessé de garder pour ce digne ami la reconnaissance que je lui dois ; qu’il accepte le renouvellement d’expression que je lui en offre ici. Je reçus de M. Héneault, dans sa maison, l’accueil d’un frère, et de sa noble mère les traitements que la mienne m’eût donnés si j’eusse alors été sous le toit paternel (mes bons parents demeuraient alors, comme aujourd’hui, à Saint-Polycarpe). Ce fut le 18 Novembre, vers minuit, que je franchis le seuil de cette demeure hospitalière.

Jusqu’ici je n’ai eu qu’à rendre compte des généreux dévoûments et des charitables soins qui m’ont été prodigués par diverses familles pendant ces terribles journées. Tous ceux que j’ai mentionnés jusqu’ici, leurs femmes et leurs enfants, m’ont gardé un secret que nul d’eux n’a trahi ni même laissé percer. Maintenant j’aurai la douleur de signaler la contre-partie de ces nobles actions. Les causes les plus saintes ont des apostats et des traîtres, les nations les plus chevaleresques ont leurs renégats ;… nous avons eu les nôtres.

Quelques individus, que je ne veux pas nommer, parce que d’abord je leur ai pardonné, puis parce que je ne veux pas contribuer à marquer d’infamie le nom que portent leurs enfants,