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Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/42

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notes d’un condamné politique.

brisées sous les yeux de ceux qui les livraient. Cet homme s’était acharné contre la famille d’un habitant du village de Beauharnais, M. Provost ; non content d’avoir fait arrêter le chef de cette famille dont les propriétés avaient été incendiées, il poursuivait de ses persécutions sa pauvre femme qui, chargée de ses trois enfants, était forcée d’errer de maison en maison pour trouver un asile, dont son persécuteur la chassait bientôt. Ce fut un colonel de l’armée régulière, M. le colonel Gray, qui mit fin à cette sauvage vengeance, en assignant une demeure à la malheureuse famille ; honneur en soit rendu à ce brave militaire.

Le 1er décembre, après nous avoir fait subir un interrogatoire, on nous lia deux à deux, au nombre de cinquante-deux, presque tous pères de famille, et nous partîmes pour Montréal sous escorte. Il y avait un peu de neige, et il faisait froid. Dans l’après-midi on nous traversa en bateaux du village du Sault Saint-Louis à Lachine, où nous arrivâmes vers les cinq heures du soir. Nous fûmes logés dans un hangar sans feu, pour y passer la nuit.

Nous reçûmes, à notre arrivée à Lachine, la visite de quelques individus qui nous informèrent que Cardinal, Duquette et plusieurs autres subissaient en ce moment leur procès et qu’on allait bientôt les mettre à mort ; certains volontaires nous faisaient à nous-mêmes des menaces d’un sort semblable.