Aller au contenu

Page:Prieur - Notes d'un condamné politique de 1838, 1884.djvu/64

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
66
NOTES D’UN CONDAMNÉ POLITIQUE.

tait une indifférence stoïque et, de temps à autre, une folle gaieté, peu de mise dans de pareilles circonstances.

Que nous l’avons plaint, en le voyant ainsi marcher vers cet avenir qui, heureux ou malheureux, ne doit jamais avoir de fin ! Un instant nous avons eu l’espoir de le voir entrer dans le sein de l’Église, et mourir en emportant le pardon de ceux qui ont reçu mission de lier et de délier sur la terre et pour le ciel ; notre espoir a été trompé. Il s’est contenté d’admirer ce que la religion catholique produisait sur ses compagnons d’infortune ; mais le courage moral qui répond à la grâce lui a manqué pour les imiter.

Vers les six heures du soir, les guichetiers vinrent nous dire qu’il fallait entrer dans nos cachots, nos visiteurs se retirèrent alors la douleur dans le cœur. J’ai déjà dit que nous étions deux par deux ; le compagnon de cachot de De Lorimier avait été, jusque-là, le Dr. Brien ; dans ce moment, celui-ci vint me prier de vouloir bien changer de cellule, disant qu’il ne se sentait pas la force de partager le cachot de la victime.

Ah ! c’est que, voyez-vous, il y avait un remords dans la conscience de ce malheureux qui avait obtenu un demi-pardon au prix honteux de la délation, comme nous l’apprîmes plus tard. On conçoit, en effet, quel voisinage ce devait être pour lui que celui de cet homme qu’il avait trahi, de cet homme qui allait mourir dans la sein de l’honneur et la paix de son Dieu !

Je devins donc le compagnon de cellule de